Plusieurs poursuites judiciaires ont été initiées à l'encontre des géants de l'intelligence artificielle (IA) générative d'image, notamment pour violation du copyright (l'équivalent du droit d'auteur américain). Ces poursuites ont refroidi nombre de gros clients potentiels et pour apaiser leurs doutes, Adobe et Shutterstock ont récemment fait les gros titres avec l'annonce de protection juridiques pour leurs clients. L'objectif de ces protections juridiques est de couvrir les frais de justice en cas de litige pour violation des droits de propriété intellectuelle d'un tiers dans le cadre de l'utilisation de l'IA générative d'image d'Adobe Firely et de Shutterstock.
Nous proposons ici une première analyse des protections juridiques proposées par Adobe et Shutterstock afin d'aider les utilisateurs à mieux comprendre leurs implications.
L'entreprise qui communique sur l'entraînement de son IA grâce à des contenus sous licence ou libres de droits mise sur un examen a priori des images générées. Plus de détails sont à venir, pour l'instant la FAQ publiée par Adobe [1] précise que cette protection juridique ne bénéficiera qu'aux entreprises et qu'elle sera proposée sous la forme d'un service payant. Les conditions et exclusions applicables à cette garantie n'ont pas encore été dévoilées. Mais pour avoir une idée des clauses d'exclusion de responsabilité qui pourraient figurer dans la protection juridique d'Adobe, nous pouvons noter l'intervention remarquée du VP d'Adobe devant le Sénat américain le 12 juillet dernier, sollicitant une nouvelle loi fédérale qui pénaliserait les utilisateurs qui se servent d'une IA générative dans le but spécifique d'imiter le style d'un artiste. L'adoption d'une telle loi aurait pour effet de faire peser la responsabilité d'une violation des droits d'un tiers sur l'utilisateur de l'IA plutôt que sur l'entreprise qui met à disposition le service d'IA générative... Affaire à suivre.
C'est un examen a posteriori qui est proposé pour les images générées par l'IA de Shutterstock. Cette IA générative a été développée en partenariat avec OpenAI, société avec laquelle Shutterstock a récemment renouvelé sa coopération pour six années supplémentaires (l'IA de DALL-E continuera donc de s'entraîner sur la banque d'images de Shutterstock). Les utilisateurs de Shutterstock pourront solliciter un examen (effectué par un humain) de leur contenu afin de vérifier qu'il ne porte pas atteinte aux droits d'un tiers. Attention cependant, la protection juridique ne sera accordée que sur validation de cet examen. La pratique nous dira avec quel niveau de sévérité les images seront jugées éligibles ou non à cette protection juridique, puisqu'ici, le risque majeur serait une évaluation frileuse de la part de Shutterstock et donc une efficacité limitée de sa protection juridique.
Si les actions en contrefaçon peuvent s'exercer sur le terrain civil, il existe également un volet pénal du délit de contrefaçon détaillé aux articles L335-1 à L335-9 du Code de la propriété intellectuelle. Les amendes sanctionnant le délit de contrefaçon peuvent atteindre 750 000€ et peuvent être assorties d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à sept ans. Or, le principe de la personnalité des peines en droit pénal s'oppose à ce qu'une personne soit indemnisée des conséquences de sa propre responsabilité pénale.
En d'autres termes : nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, or la contrefaçon est un délit.
Ce principe empêchera donc la prise en charge des frais liés à la responsabilité pénale de l'auteur d'une contrefaçon et sera de nature à limiter drastiquement l'effet de la garantie commerciale proposée notamment par Adobe et Shutterstock.
Au-delà des protections juridiques offertes par Adobe et Shutterstock, il est important de noter l'importance d'un accompagnement juridique spécialisé. Les nuances du droit de la propriété intellectuelle, combinées à la complexité de la technologie de l'IA générative, peuvent rendre l'évaluation des risques inhérents à l'utilisation commerciale des créations générées par l'IA plus technique qu'il n'y paraît.
Pour ne prendre aucun risque, veillez à solliciter les conseils d'un spécialiste de la propriété intellectuelle formé aux enjeux de l'IA générative. Il pourra vous aider à comprendre les limites des protections juridiques offertes par les entreprises qui mettent à disposition un service d'IA générative telles qu'Adobe et Shutterstock, et identifier d'autres mesures pour éviter tout risque de poursuites judiciaires à votre encontre.
[1] Lien vers la FAQ Adobe Firefly